Bon week end
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Une métaphore de la création
poétique L'image de ces chevaux de bois qui
tournent, c'est l'image du travail poétique dont Verlaine, fortement
influencé ici par Rimbaud, veut nous faire prendre conscience. Tout
travail poétique consiste à agencer des mots, des phrases, à les
tourner et à les retourner, souvent, indéfiniment parfois pour
trouver le meilleur agencement, la meilleure alchimie pour reprendre
un poème de Rimbaud. Cela rappelle étrangement les mouvements
perpétuels des enfants sur ces manèges, ils se déplacent constamment
d'animal en animal pour chercher la meilleure monture. La poésie
ressemble à cette gymnastique consistant à chercher le meilleur
équilibre, le meilleur effet. Comme ces chevaux, Verlaine n'est pas
un automate mu par le piston de sa création. Si plusieurs poèmes de
Verlaine paraissent laborieux, Verlaine, à sa décharge a toujours
été pressé par ses éditeurs pour publier un recueil. L'ironie et la
moquerie sont évidentes dans le "et dépêchez" qui traduit cette
impatience des éditeurs.
Chevaux de bois
Paul Verlaine
Tournez, tournez, bons chevaux de bois, Tournez
cent tours, tournez mille tours, Tournez souvent et tournez
toujours, Tournez, tournez au son des hautbois.
Le gros
soldat, la plus grosse bonne Sont sur vos dos comme dans leur
chambre, Car en ce jour au bois de la Cambre Les maîtres sont
tous deux en personne.
Tournez, tournez, chevaux de leur
coeur, Tandis qu'autour de tous vos tournois Clignote l'oeil
du filou sournois, Tournez au son du piston
vainqueur.
C'est ravissant comme ça vous soûle D'aller
ainsi dans ce cirque bête : Bien dans le ventre et mal dans la
tête, Du mal en masse et du bien en foule.
Tournez,
tournez sans qu'il soit besoin D'user jamais de nuls
éperons Pour commander à vos galops ronds, Tournez, tournez,
sans espoir de foin
Et dépêchez, chevaux de leur âme
: Déjà voici que la nuit qui tombe Va réunir pigeon et
colombe Loin de la foire et loin de madame.
Tournez,
tournez ! le ciel en velours D'astres en or se vête
lentement. Voici partir l'amante et l'amant. Tournez au son
joyeux des tambours !
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